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Debout depuis des lustres ou récemment érigés, nombre d’édifices en pierre contribuent à façonner le caractère de notre province. Une école ouverte à tous, fédérée par des artisans d’art, a été créée pour transmettre ce savoir-faire. Sculpture, ornement, objet utilitaire… quelle que soit la nature du projet, ils sont là pour vous guider.
Adrien Bobin et Alexandre Maquet exercent leur métier de tailleur de pierre depuis 20 et 25 ans. « J’ai mon atelier dans l’île d’Orléans, mais j’ai des projets un peu partout ; beaucoup à Québec, parfois à Montréal, et je travaille principalement, tout comme Alex, dans le domaine patrimonial », informe Adrien Bobin, qui a fait un parcours par compagnonnage en France, mais n’est pas compagnon, insiste-t-il. « On restaure donc des pierres sur des bâtiments patrimoniaux, mais on a aussi une clientèle de particuliers pour du neuf. »
Les deux hommes se sont connus il y a une quinzaine d’années dans le cadre des rassemblements entre artisans en tant que membres du Conseil des métiers d’art. Puis, ils ont réalisé un premier projet professionnel commun en 2015. « Nous nous sommes rendu compte que c’était vraiment plus facile et plus agréable de collaborer. Il n’y a pas énormément de tailleurs de pierre au Québec, et le Conseil des métiers d’art a développé plusieurs formations qu’on a été amenés à donner », précise Alexandre Maquet.
Ils avaient déjà caressé l’idée de donner des cours d’un jour pour favoriser la sauvegarde de leur savoir-faire. « On a rencontré des universitaires passionnés du patrimoine qui ont eu la bonne idée de nous faire sortir un peu de nos ateliers et de mettre la lumière sur le travail des artisans, ce qui nous a poussés à nous mobiliser dans le but de faire connaître nos métiers », poursuit M. Maquet, en ajoutant qu’au même moment, le cégep du Vieux Montréal développait un programme en patrimoine. « Donner le cours dans ce domaine-là nous a aidés pour le démarrage de notre projet. »
Le hasard fait souvent bien les choses puisqu’une de leurs amies, la sculpteure Michèle Lavoie, vendait son école et voulait se départir de son matériel. Ç’a été le déclic pour démarrer Les Ateliers de la pierre du Québec, un OBNL.
Attraper le virus, une pierre taillée à la fois
Située au 4710 de la rue Saint-Ambroise à Montréal, l’école forme aussi bien des personnes novices qu’expérimentées. Chaque élève bénéficie d’un poste de travail entièrement outillé et sécurisé. « On demande aux gens d’arriver avec un projet, puis on les accompagne en leur disant ce qui est possible, explique Alexandre Maquet, qui est l’un des trois enseignants sur place. C’est très varié, car tous les styles sont demandés ; certains aiment faire des choses réalistes, d’autres préfèrent l’abstrait. Plusieurs attrapent vraiment la piqûre ! »
Dans un premier temps, les débutants apprennent à se servir des outils, à connaître les différents types de pierre, puis travaillent sur leur ouvrage, guidés par les artisans. Petit à petit, chacun devient plus autonome.
Les plus qualifiés attendent surtout des recommandations techniques, parce qu’ils savent ce qu’ils veulent sur le plan artistique, mais ils profitent aussi de l’œil aguerri des tailleurs de pierre pour sublimer leur pièce. Par exemple, ils peaufinent leur pratique en faisant ressortir des volumes, en arrondissant une ligne.
Lorsqu’elles sont suffisamment expertes, les personnes peuvent accéder librement à l’atelier pour travailler sur leur œuvre.
La pierre angulaire de la conservation
L’objectif principal de l’OBNL est de former une relève et de soutenir des gens du milieu de la construction, comme des maçons qui veulent aller chercher des compétences en taille de pierre, mais ne peuvent se former nulle part. « On souhaite aussi susciter l’intérêt des cégeps et des universités pour former des gens qui étudient en architecture par exemple, mais qui veulent mettre la main à la pâte. C’est important qu’ils comprennent les matériaux pour travailler sur les plans et les devis », souligne Adrien Bobin.
Depuis une dizaine d’années, les métiers d’art prennent de plus en plus de place dans la société. « Le patrimoine est devenu un enjeu et les gens sont choqués quand on détruit un édifice ancien », constate Catherine Charron, secrétaire du conseil d’administration de l’organisme et coordonnatrice en architecture et patrimoine au Conseil des métiers d’art du Québec.
Mme Charron évoque aussi l’aspect environnemental, en parlant de la pollution des constructions en métal ou en béton, alors que la plupart du temps, en les restaurant, les bâtiments durent plus longtemps. La taille de pierre en serait un exemple probant pour nos centres-villes historiques, surtout que le matériau est local, puisque de nombreuses régions possèdent des roches bien spécifiques. Enfin, allègue-t-elle, ce savoir-faire est essentiel, car non seulement il fait perdurer l’histoire et l’identité architecturales du Québec, mais aussi il permet d’ajouter une touche artisanale esthétique aux bâtiments plus récents.